Lettre 35 – La Voie du Sentir

POESIE LITTERATURE
Si tu penses comme moi, tu es mon frère.
Si tu ne penses pas comme moi, tu es deux fois mon frère, car tu m'ouvres un autre monde.
Amadou Hampâté Ba

Amadou Hampâté Ba (1901-1991) écrivain, ethnologue et poète malien, fut un grand défenseur de la tradition orale. C’est lui qui a dit cette phrase devenue si célèbre : Un vieillard qui meurt en Afrique, c’est une bibliothèque qui brûle.
Reportage de l INA sur Amadou Hampâté Ba
Un enseignement sur une culture, sur l’homme, sur l’enfant, sur l’école, la transmission et l’initiation vivante du « vieillard » qui est celui qui connait, qu’il soit jeune ou vieux (moment plus dur: entendre parler du rite de l’excision…)
LA VOIE DU SENTIR - de LUIS ANSA
Un de mes livres préférés, un pur joyau de sagesse et de liberté qui n’oublie pas l’expérience, le sentir, le ressentir, le corps.
Indispensable, plus que jamais ! Il fut une révélation pour moi après que je l’ai découvert dans « les 7 plumes de l’aigle » qu’Henri Gougaud a écrit sur lui.
Ce n'est pas la rigueur qui te conduira où tu veux aller, ce n'est pas l'ascèse, ni la souffrance, ni ce que tu crois avoir compris. C'est l'épice. Le parfum de la force aimante.
Extrait de « Le secret de l’aigle »
2 vidéos sur lui :
La vraie division est celle-ci : les ténébreux et les lumineux
Diminuer le nombre des ténébreux, augmenter le nombre des lumineux, voilà le but, nous dit Victor Hugo
MUSIQUE
LA PAVANE de FAURE
Une mélodie bien connue, une merveille de douceur
Une danse de la renaissance du 16ème siècle, langoureuse et noble, reprise par Fauré en 1887
NABUCCO l’OPERA de VERDI
En entier ici, vous en avez pour 142 minutes
Nabucco (Nabuchodonosor), opéra en quatre actes de Giuseppe Verdi sur un livret de Temistocle Solera, d'après le drame "Nabuchodonosor" (1836) d'Auguste Anicet-Bourgeois et Francis Cornu (1836). Première triomphale à la Scala de Milan le 9 mars 1842. - L'œuvre traite de l'épisode biblique de l'esclavage des hébreux exilés à Babylone sous le règne de Nabuchodonosor. Le chœur des esclaves "Va, pensiero" à la fin de l'acte III, apparaîtra comme le chant de la liberté pour la population italienne de Milan alors sous occupation autrichienne.
Voici sinon directement le célébrissime et sublime CHŒUR des ESCLAVES (4minutes)
HISTOIRE et ARCHEOLOGIE du MYSTERE
La DAME d’ELCHE
5 siècles avant notre ère on retrouve une statue fascinante par sa troublante beauté
Sa coiffe à roues est tellement singulière
Reine, Sainte ou Princesse de l’Atlantide ?
Voici narré son fabuleux destin sur France Culture

ALBERT CAMUS lettre à son instituteur
En lien avec l’actualité, voici un hommage au corps enseignant, à travers la lettre que ALBERT CAMUS adressa à son instituteur, après avoir reçu le prix Nobel en 1957, avec à la suite, la réponse de son instituteur Mr Germain.

19 novembre 1957
Cher Monsieur Germain,
J'ai laissé s'éteindre un peu le bruit qui m'a entouré tous ces jours-ci avant de venir vous parler un peu de tout mon cœur. On vient de me faire un bien trop grand honneur, que je n'ai ni recherché ni sollicité. Mais quand j'ai appris la nouvelle, ma première pensée, après ma mère, a été pour vous. Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j'étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. Je ne me fais pas un monde de cette sorte d'honneur mais celui-là est du moins une occasion pour vous dire ce que vous avez été, et êtes toujours pour moi, et pour vous assurer que vos efforts, votre travail et le cœur généreux que vous y mettiez sont toujours vivants chez un de vos petits écoliers qui, malgré l'âge, n'a pas cessé d'être votre reconnaissant élève.
Je vous embrasse, de toutes mes forces.
Albert Camus
...
30 Avril 1959
Mon cher petit,
(...) Je ne sais t'exprimer la joie que tu m'as faite par ton geste gracieux ni la manière de te remercier. Si c'était possible, je serrerais bien fort le grand garçon que tu es devenu et qui restera toujours pour moi « mon petit Camus».
(...) Qui est Camus ? J'ai l'impression que ceux qui essayent de percer ta personnalité n'y arrivent pas tout à fait. Tu as toujours montré une pudeur instinctive à déceler ta nature, tes sentiments. Tu y arrives d'autant mieux que tu es simple, direct. Et bon par-dessus le marché ! Ces impressions, tu me les as données en classe. Le pédagogue qui veut faire consciencieusement son métier ne néglige aucune occasion de connaître ses élèves, ses enfants, et il s'en présente sans cesse. Une réponse, un geste, une attitude sont amplement révélateurs. Je crois donc bien connaître le gentil petit bonhomme que tu étais, et l'enfant, bien souvent, contient en germe l'homme qu'il deviendra. Ton plaisir d'être en classe éclatait de toutes parts. Ton visage manifestait l'optimisme. Et à t'étudier, je n'ai jamais soupçonné la vraie situation de ta famille, je n'en ai eu qu'un aperçu au moment où ta maman est venue me voir au sujet de ton inscription sur la liste des candidats aux Bourses. D'ailleurs, cela se passait au moment où tu allais me quitter. Mais jusque-là tu me paraissais dans la même situation que tes camarades. Tu avais toujours ce qu'il te fallait. Comme ton frère, tu étais gentiment habillé. Je crois que je ne puis faire un plus bel éloge de ta maman.
J'ai vu la liste sans cesse grandissante des ouvrages qui te sont consacrés ou qui parlent de toi. Et c'est une satisfaction très grande pour moi de constater que ta célébrité (c'est l'exacte vérité) ne t'avait pas tourné la tête. Tu es resté Camus: bravo. J'ai suivi avec intérêt les péripéties multiples de la pièce que tu as adaptée et aussi montée: Les Possédés. Je t'aime trop pour ne pas te souhaiter la plus grande réussite: celle que tu mérites.
Malraux veut, aussi, te donner un théâtre. Je sais que c'est une passion chez toi. Mais.., vas-tu arriver à mener à bien et de front toutes ces activités ? Je crains pour toi que tu n'abuses de tes forces. Et, permets à ton vieil ami de le remarquer, tu as une gentille épouse et deux enfants qui ont besoin de leur mari et papa. A ce sujet, je vais te raconter ce que nous disait parfois notre directeur d'Ecole normale. Il était très, très dur pour nous, ce qui nous empêchait de voir, de sentir, qu'il nous aimait réellement. « La nature tient un grand livre où elle inscrit minutieusement tous les excès que vous commettez.» J'avoue que ce sage avis m'a souventes [sic] fois retenu au moment où j'allais l'oublier. Alors dis, essaye de garder blanche la page qui t'est réservée sur le Grand Livre de la nature.
Andrée me rappelle que nous t'avons vu et entendu à une émission littéraire de la télévision, émission concernant Les Possédés. C'était émouvant de te voir répondre aux questions posées. Et, malgré moi, je faisais la malicieuse remarque que tu ne te doutais pas que, finalement, je te verrai et t'entendrai. Cela a compensé un peu ton absence d'Alger. Nous ne t'avons pas vu depuis pas mal de temps...
Avant de terminer, je veux te dire le mal que j'éprouve en tant qu'instituteur laïc, devant les projets menaçants ourdis contre notre école. Je crois, durant toute ma carrière, avoir respecté ce qu'il y a de plus sacré dans l'enfant: le droit de chercher sa vérité. Je vous ai tous aimés et crois avoir fait tout mon possible pour ne pas manifester mes idées et peser ainsi sur votre jeune intelligence. Lorsqu'il était question de Dieu (c'est dans le programme), je disais que certains y croyaient, d'autres non. Et que dans la plénitude de ses droits, chacun faisait ce qu'il voulait. De même, pour le chapitre des religions, je me bornais à indiquer celles qui existaient, auxquelles appartenaient ceux à qui cela plaisait. Pour être vrai, j'ajoutais qu'il y avait des personnes ne pratiquant aucune religion. Je sais bien que cela ne plaît pas à ceux qui voudraient faire des instituteurs des commis voyageurs en religion et, pour être plus précis, en religion catholique. A l'École normale d'Alger (installée alors au parc de Galland), mon père, comme ses camarades, était obligé d'aller à la messe et de communier chaque dimanche. Un jour, excédé par cette contrainte, il a mis l'hostie « consacrée» dans un livre de messe qu'il a fermé ! Le directeur de l'École a été informé de ce fait et n'a pas hésité à exclure mon père de l'école. Voilà ce que veulent les partisans de « l'École libre » (libre.., de penser comme eux). Avec la composition de la Chambre des députés actuelle, je crains que le mauvais coup n'aboutisse. Le Canard Enchaîné a signalé que, dans un département, une centaine de classes de l'École laïque fonctionnent sous le crucifix accroché au mur. Je vois là un abominable attentat contre la conscience des enfants. Que sera-ce, peut-être, dans quelque temps? Ces pensées m'attristent profondément.
Sache que, même lorsque je n'écris pas, je pense souvent à vous tous.
Madame Germain et moi vous embrassons tous quatre bien fort.
Affectueusement à vous.
Germain Louis
L’Association est elle-même un soutien à SHANTINDIA en Inde à Bodhgaya puisqu’elle lui verse 10% de ses adhésions
(Shantindia qui en plus de l’école distribue en ce moment des repas pour nourrir les gens )
Je vous souhaite à tous un très beau week -end, une semaine pleine de santé, de joie et d’amour.
Je me dis que quoi qu’il advienne des circonstances en nous ou autour de nous, contraignantes ou inspirantes, notre seul devoir vis-à-vis de nous-mêmes et des autres est de nous tenir digne de notre humanité.
Nous avons besoin pour cela de connaître nos soutiens et nos ressources,
Ainsi la nature, les éléments, la respiration, la lecture, l’écriture, la musique, la danse
et bien d’autres choses encore sont des ressources aidantes.
Cette petite lettre veut en être une aussi.
Isabelle