Lettre d’Isabelle 159 – Les voeux de Mère India
Je suis arrivée en taxi, sereine et en pleine nuit, au centre ayurvédique que j’avais réservé depuis la France, près du village de Kumta à 4 heures de route de Goa au sud de l’Inde.
Je retrouve Marie et son amie Valérie le lendemain matin au petit déjeuner. Toutes les deux me présentent les lieux que je ne connais pas et me font faire le tour de cette grande propriété sur des hectares devenue centre de cure ayurvédique il y a 15 ans. Les terres appartiennent à la famille de ce notable brahman qui nous reçoit pour les soins. Docteur en médecine, il est spécialisé dans l’ayurvéda, connu et respecté dans toute la région. Il est entouré pour les consultations de deux autres jeunes médecins, femme et homme.
L’endroit est très beau, vaste et fleuri, arboré et calme et donne au couchant sur l’océan, sur la mer d’Arabie en face d’Oman à plus de 1700 kms de distance.
Je suis heureuse de ma décision de prendre du temps pour moi, l’année a été chargée. C’est une première. Je rêve de massage, d’huile parfumée sur mon corps, de temps libre sans responsabilité, de retraite tranquille, de marche lente sur les 12 kms de plage de sable fin, de méditation solitaire et d’écriture.
Marie et Valérie poursuivent la visite et après les salles de massage, la bibliothèque, les jardins de plantes cultivées pour les soins, le bureau des docteurs et doctoresses, nous visitons nos chambres respectives.
Il y a, à côté de la magnifique maison peinte en vert où loge Marie, dans une jolie chambre avec véranda donnant sur le coucher de soleil de l’océan, une petite maison en contrebas, aux murs blancs, au toit vert.
Toutes deux m’apprennent que cette maison a été faite pour les retraites dans le noir.
Je suis abasourdie. Un lieu comme ça ici ?
Je le vérifierai plus tard, un panneau indique bien « Dark room for private meditation only ».
Un occidental vient d’y entrer pour 40 jours consécutifs ajoutent-elles.
C’est peu dire que je sens une forte secousse émotionnelle. Je suis bouleversée.
Il y a un labyrinthe à l’intérieur précisent-elles.
Je suis perdue.
Sur le chemin du retour vers ma chambre, je fonds en larmes sans raison apparente, secouée par de longs sanglots. J’étais invitée à lâcher en venant ici. Je sens bien que je ne suis pas au bout de mes peines. Comment aurais-je pu imaginer que m’attendait une telle maison en cet endroit de cure ayurvédique ?
La surprise est de taille. J’ai la sensation que la Vie se charge de me rappeler pourquoi je suis là. J’ai l’impression d’une présentation sous mon nez façon puzzle de ce que j’ai laissé en plan derrière moi. Pour une fois que je ne pars pas en inde pour une retraite de méditation justement, je me retrouve en pleine invitation.
Bien que je connaisse en France au moins 2 lieux proches pour faire des retraites dans le noir et que j’en aie reçu les instructions par mes maîtres tibétains, j’ai toujours hésité puis fini par abandonner complètement l’idée tant je pressens l’intensité de l’épreuve, le risque aussi de m’y perdre. De m’y trouver ? C’est un vrai chemin, unique, long et dangereux pour celui qui s’y lancerait tête baissée.
Je dois m’y préparer.
Je décide de me mettre en lien avec ce retraitant que je ne connais pas mais que je sens si proche derrière ces murs, dans l’invisible. Puisse-t-il m’accorder cette faveur. Je m’enquiers de son nom.
Il y a 30 ans j’avais rencontré lors de mes premiers séminaires, un jeune diplomate belge d’origine africaine parti faire une double retraite fermée de 3 ans 3 mois 3 jours auprès de Lama Guendune et nous avions correspondu ensemble pendant plus de 7 ans.
Je sais que ses bénédictions ont agi sur moi et vice versa.
Marie et Valérie ne se souviennent pas de son nom et Mahesh ne me donnera que son prénom : Sean (prononcez sheun). J’apprendrai par la suite qu’il a dans les 80 ans ! Qu’il vient du Canada.
Je décide de prier pour que sa retraite se passe au mieux et lui dédie mes pratiques. J’ai lorgné par une fenêtre de sa maison pour voir quelque chose de l’intérieur. Je découvre alors derrière les vitres opaques, les murs d’une deuxième enceinte de maison construite à l’intérieur, à moins d’un mètre de la façade externe pour je suppose, isoler du jour et protéger du bruit l’espace intérieur de retraite. A l’entrée de la maison une petite pièce est réservée pour son gardien, celui qui lui glisse dans le noir sa nourriture quotidienne.
Je déposai une fleur d’hibiscus blanche sur son palier.
La nuit je me suis sentie connectée. Des frayeurs sont venues la première fois me visiter. La joie et la paix ont succédé le deuxième soir.
On me présentera, dès mon arrivée également, la femme d’un ancien haut fonctionnaire du ministère de l’éducation au précédent gouvernement, lui-même disciple de grands maitres que je connais du Dzogchen.
Je me dis que vraiment il n’y a pas de hasard, pas de coïncidence. Seulement des rencontres, des résonances. Sinon ce n’est pas possible.
Bien sûr l’Inde est une terre spirituelle pour beaucoup d’entre nous en Occident mais peu connaissent ou pratiquent ces chemins précisément.
Enfin Vivekananda me cueillera au vol en pleine salle de massage, encadré partout sur les murs, lui et son maitre Ramakrishna que j’ai tant aimé lire et étudier dans les années 90 lors de mes profondes explorations intérieures avant que je ne me décide à prendre un chemin concret et fasse un choix de pratiques spirituelles.
J’ai fini par sourire.
Il n’y a pas à dire je suis bien revenue à la maison.
*
Revenir en soi
C’est revenir à la maison
On reconnait les lieux intérieurs qu’on avait délaissés
Dans nos parcours éparpillés
Et quand nous nous reperdons à nouveau
Maintenir l’intention par nos vœux suffit pour les paresseux que nous sommes à ce que la vie elle-même redessine le chemin devant nous
MUSIQUE
Gracias a la vida
Pour nous élancer le cœur gracieux vers le nouveau
Comment ne pas remercier pour les vies que nous avons ?
Chantée par Mercedes Sosa
Ici dans la version chantée de Joan Baez avec la traduction en français
Le jour où j’ai découvert au Chili la vie de Violetta Parra (chanteuse, brodeuse, compositrice) qui a écrit ses paroles j’ai été subjuguée par sa force, sa beauté, son engagement, son rayonnement
Meilleurs vœux à toutes et tous pour cette année nouvelle
Lumière amour et paix sur le monde !
Isabelle
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