Intégrative, psychédélique et chamanique: quelle médecine pour demain?
Palliative Vaud lance la réflexion à l’occasion de la Journée mondiale des soins palliatifs, le vendredi 27 septembre 2024 à Morges.
Intégrative, psychédélique et chamanique : quelle place pour les médecines complémentaires dans notre système de santé ?
La santé serait-elle avant tout la capacité à soigner une personne dans sa globalité plutôt que de traiter un symptôme ?
Si la réponse est oui, quelles implications sur la médecine, telle que pratiquée aujourd’hui ?
palliative vaud lance la réflexion à l’occasion de la Journée mondiale des soins palliatifs, le vendredi 27 septembre 2024 à Morges.
Lausanne, le 14 août 2024. Une personne dans toutes ses dimensions plutôt qu’un symptôme : les médecines complémentaires s’intéressent aux patients comme des êtres uniques, dans leurs caractéristiques biologiques, psychologiques, sociales, spirituelles et environnementales. Plébiscitées par le grand public, elles suscitent néanmoins de la méfiance, parfois faute de preuves scientifiques ou parce qu’elles défient les approches rationnelles de la médecine dite matérialiste. Dans le cadre de la Journée mondiale des soins palliatifs, palliative vaud réunira un panel exclusif pour faire le point, loin des polémiques.
Des psychiatres, gériatres, oncologues, psychologues, shamans, spécialistes des soins palliatifs et anesthésistes, toutes et tous praticiens de médecines intégrative, psychédélique ou chamanique, présenteront leurs expériences. Ils et elles débattront des enjeux sous-jacents : formation, préjugés culturels, absence de réglementation, questions éthiques. Et surtout, leurs apports mettront en évidence l’importance de la dimension holistique dans le vécu de la maladie, le processus de guérison, l’accompagnement et dans la prévention.
Dans la chambre d’un grand hôpital, une médecin en blouse blanche est au chevet d’une patiente percluse de douleurs chroniques. Ce matin, elle effectue sa visite accompagnée d’un homme vêtu d’un gilet brodé aux couleurs chatoyantes : un shaman népalais, bouddhiste bön. Le guérisseur tient un bol chantant à bout de bras au-dessus de la tête de la malade. Tous trois ferment les yeux pendant que des sons et des vibrations s’échappent de l’instrument. Les vibrations agissent sur les blocages énergétiques et favorisent le relâchement musculaire. Le visage de la femme se détend.
Scène de fiction ? Loin de là : tirée du film « Le shaman et la médecin », les images illustrent une très sérieuse collaboration entre médecines contemporaine et ancestrale. Au service de médecine interne du CHU de Reims, la réalisatrice française Gaëlle Grandon a suivi les interventions du shaman Lama Pasang auprès de malades que les traitements conventionnels ne soulagent plus. Le maître guérisseur intervient également dans d’autres centres de soin. Il faut dire que l’intérêt du corps médical, et surtout du public, pour les formes alternatives de médecine – intégrative, psychédélique et chamanique[1] – est grandissant. En 2015 déjà, le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) créait un centre de médecine intégrative et complémentaire (CEMIC), rattaché à son Service d’anesthésiologie. Il répondait à une volonté populaire de pouvoir bénéficier de prestations de médecines complémentaires dans les structures de soins.
La prise en charge holistique contribue à la guérison
La communauté médicale conventionnelle n’est pas unanime au sujet des médecines complémentaires. Certains professionnels de la santé les ont adoptées ou leur reconnaissent du potentiel alors que d’autres sont sceptiques, principalement en raison du manque de preuves scientifiques rigoureuses, du moins pour certaines, et d’une méconnaissance du sujet. Il n’en reste pas moins que la Suisse reconnaît nombre d’entre elles et autorise l’utilisation de psychédéliques sous supervision médicale et dans des cas bien précis. En favorisant l’accès à de nouvelles façons d’appréhender pensées, émotions et sensations, la prise ponctuelle de psychédéliques (LSD, psilocybine, etc.) permet de voir la réalité, les souffrances, les traumatismes sous un jour nouveau et apaisé. Elle a démontré son efficacité contre les troubles anxieux ou dépressifs et les addictions, notamment là où la médecine conventionnelle avait joué toutes ses cartes. « Se relier à soi, à autrui et au monde plus vaste que soi répond à un besoin naturel et universel de transcendance », commente Jacques Besson, psychiatre, addictologue et Professeur honoraire à la Faculté de biologie et de médecine de l’université de Lausanne. Et de poursuivre : « Si le 20e siècle a fait la part belle aux phénomènes psychosomatiques, la médecine doit désormais approfondir les liens qui unissent ordre psychique et ordre spirituel, avec l’exploration de la conscience ».
La révolution de la conscience
Cette médecine, dite post-matérialiste pourrait laisser augurer d’une profonde révolution. Psychologue et shaman en Angleterre, Claire Marie invite ses patients à « voyager dans le champ de leur maladie » depuis 15 ans. Elle subodore quant à elle un potentiel transformationnel majeur, tant au niveau de la relation à la maladie qu’en ce qui concerne les rapports que les soignants entretiennent avec les patients et leur souffrance. La question de la conscience est par ailleurs aussi centrale en fin de vie : pour réduire la souffrance, la sédation palliative abolit la conscience, souvent jusqu’au dernier souffle. Au lieu de cela, les expériences de transcendance, induites par des états de conscience modifiés, pourraient-elles soulager la détresse existentielle de fin de vie ? Le Dr. Michael Ljuslin, chef de clinique au service des soins palliatifs des HUG, abordera le thème.
Alternative aux coûts aussi !
Selon Laure-Isabelle Oggier, directrice de palliative vaud, s’attaquer au mal plutôt qu’aux symptômes, dans une perspective interdisciplinaire, serait bénéfique au système dans son entier : « Réalistement, notre système de soins n’est pas viable à moyen terme. L’extrême technicité de notre médecine est trop coûteuse. En plus, elle bute à des limites : la vie est plus longue, certes, mais dans quelles conditions ? », s’interroge-t-elle. À l’heure des restrictions budgétaires, des pénuries de médicaments et de la crise des vocations, la réflexion suscite de plus en plus d’intérêt. À l’avenir, c’est donc peut-être dans l’invisible que se cherchera la clé de la guérison.
En marge de la journée de réflexion, palliative vaud enrichira la thématique par des projections de films et ateliers d’expérimentation organisés et gérés par des prestataires externes les samedi 28 et dimanche 29 septembre 2024 :
Journée mondiale des soins palliatifs, Théâtre de Beausobre, Av. de Vertou 2,
1110 Morges.
Conférences et échanges : vendredi 27 septembre 2024, de 8h30 à 20h15.
Ateliers d’expérimentation et films : samedi 28 et dimanche 29 septembre, différents horaires et lieux.
Programme complet et inscriptions : https://inscription.palliativevaud.ch/page/JMSP-2024
Personnes de contact pour vos interviews, sujets et mises en relation :
RADAR RP, Emilie Pralong, emilie@radar-rp.ch, 079 816 54 40
RADAR RP, Magali Dubois, magali@radar-rp.ch, 078 898 45 30
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Mandaté par le Département de la santé et de l’action sociale, palliative vaud a la responsabilité de poursuivre le déploiement des activités du programme cantonal de développement des soins palliatifs.
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Intégrative, psychédélique ou chamanique : que sont ces « autres » médecines ?
La médecine intégrative combine soins conventionnels, tels que pratiqués dans les pays occidentaux et soins traditionnels, en considérant les patientes et patients comme des êtres uniques dans leurs dimensions biologiques, sociales, psychologiques, spirituelles et culturelles. Elle agit sur les différentes facettes de leur mode de vie – alimentation, mouvement, gestion du stress et bien être émotionnel – et les implique dans la gestion des soins reçus. La médecine intégrative part du principe que la guérison est propre à chacun et peut différer chez deux personnes atteintes de la même maladie. Pour la favoriser, elle travaille aussi sur les croyances individuelles. Les solutions proposées sont d’abord simples et naturelles, quand bien même elle ne rejette pas d’emblée les traitements plus interventionnistes, souvent plus coûteux. Une validation scientifique atteste de l’efficacité des méthodes utilisées.
Après avoir été délaissée pendant près de 50 ans, la médecine psychédélique connaît un second souffle. En Suisse, l’utilisation de psychotropes comme le LSD ou la psilocybine (champignons hallucinogènes) pour traiter la dépression, les troubles anxieux ou les addictions est encore limitée et nécessite une autorisation spéciale. Mais l’intérêt est là car différentes recherches et essais cliniques ont mis en évidence une réduction significative des symptômes. Par conséquent, ces traitements semblent prometteurs pour lutter contre les troubles de santé mentale incurables avec des traitements conventionnels. Des recherches supplémentaires restent cependant nécessaires pour mieux comprendre leur efficacité et leur sécurité à long terme. En Suisse, le recours aux substances psychédéliques est régi par la Loi fédérale sur les stupéfiants et substances psychotropes.
Parmi les traditions les plus anciennes du monde, le shamanisme est pratiqué dans de nombreuses cultures à travers le monde. Les guérisseurs conduisent des rituels ancestraux, chantent, dansent et utilisent parfois des plantes pour soigner le corps et l'esprit. Cette médecine vise à rétablir l’équilibre intérieur, l'harmonie entre l'individu et la nature, et traite des maux tels que certains troubles mentaux, les maladies chroniques et les douleurs physiques.
En Suisse, la médecine chamanique n'est pas couramment utilisée dans les hôpitaux, mais certains praticiens alternatifs intègrent ces pratiques dans leur approche. Pour l’instant, les évidences scientifiques manquent. Souvent controversés, les rites chamaniques suscitent cependant de plus en plus d’intérêt au fur et à mesure que les études sur les états de conscience modifiés avancent.
[1] Définitions ci-dessous, en fin de document