Lettre d’Isabelle 102 – Carnet de voyage au Sénégal
Le voyage est toujours une surprise. Ne serait-ce que parce que notre esprit est en vacances, dans son sens étymologique : en ouverture, en non-attente.
Je voyais bien depuis la France que j’avais absolument besoin de faire un pas de côté, de prendre un peu le large, de me laisser aller, de flâner, de laisser mon esprit libre et vacant.
Le Sénégal s’est proposé.
Je découvrais avec surprise que la vie me donnait tous les signes pour m’y rendre en prenant mon temps. Je ne suis pas à guetter les « signes » mais il me paraissait évident qu’elle me faisait une proposition, me lançait une invitation. Peut-être me donnait-elle rendez-vous pour autre chose que des vacances? Je la remerciais déjà de me donner l’occasion de vaquer. J’allais à la rencontre d’une adhérente des Nouveaux Mondes qui m’accueillait à Dakar et retrouvais un ami suisse qui, ayant vécu 7 ans au Sénégal venait juste de refaire son passeport et se proposait de me guider et m’accompagner.
Quelle douceur que de se laisser faire.
Nous y avons rencontré tous les trois l’essentiel: l’amitié faite d’une vision commune et l’écoute attentive de nos différences, la profondeur d’un partage quand au cœur nous y invite la spiritualité.
On ne va jamais aussi loin que lorsqu’on ne sait pas où l’on va
aurait dit Christophe Colomb
Johannes est un peintre de mandala depuis 60 ans, traducteur tibétologue et multilinguiste, grand collectionneur d’art tibétain et africain.
Emmanuelle est enseignante, passionnée d’éducation et de l’universalité des transmissions.
Quel bonheur que de partager avec eux la naissance d’un projet d’éducation pour un monde meilleur.
Je vous en parlerai en temps voulu. Il nous concerne tous.
Quelques impressions brèves de Dakar
Mon voyage étant plus un voyage de rencontre avec ces amis qu’un voyage touristique de découverte, je peux dire néanmoins que j’ai trouvé à mon arrivée des habitants chaleureux, cultivés, curieux et sympathiques, beaucoup moins stressés que chez nous, bien qu’ayant plus de difficultés au quotidien et très serviables. Il y a aussi des marchands trop collants dont il faut habilement se débarrasser car ils sont prompts à vous culpabiliser.
J’éprouve l’étrangeté et le plaisir de pouvoir parler ma langue de naissance loin de l‘hexagone. Une première en voyage car une première en Afrique.
Dakar est une capitale très polluée, trop. J’ai été déçue par la ville que je n’ai pas trouvée belle. Il y a un fouillis « indien » partout, d’où émergent parmi le chaos et les constructions en cours, quelques perles : bâtiments, jardins, arbres : baobab, fromager, filao, bougainvilliers… de trop rares oasis perdus dans la chaleur et la poussière.
Ses rues ensablées me rappellent la proximité des déserts. Je me suis arrêtée plusieurs heures dans les beaux jardins de l’Institut français pour respirer et fuir une circulation trop étouffante par heures de pointe.
Je me perds partout dans les rues et j’ai filmé où j’habitais pour pouvoir y revenir car le nom et les numéros de rues ne servent pas à grand-chose.
La côte et les îles en face sont une échappée belle inespérée.
Un choc de savoir que les pêcheurs sénégalais ne trouvent plus la même abondance de poissons dans l’océan depuis que les chinois et les occidentaux plongent leurs grands filets dans les eaux internationales au large.
Violence d’une mondialisation vorace.
J’ai visité l’île de Gorée en face de la capitale, en mémoire de la traite des esclaves noirs qui partaient de cette pointe ouest de l’Afrique et une petite île délicieuse et tranquille Ngor où le temps passe léger. Y ont vécu France Gall et de nombreux artistes.
Où que l’on aille, les milans tournoient sans cesse au-dessus de nos têtes.
Ce qui m’a enchantée le plus est la maison d’Ousmane Sow
Et ses sculptures magnifiques en terre, si vivantes, tellement impressionnantes. Devant elles, je me suis mise à pleurer. Ses grands hommes immenses et costumés, ses séries et ses scènes sur les différentes ethnies d’Afrique : Nouba, Zoulou, Masaï et Peulh, pétries de muscles et de lutte. Ses grands hommes qui ont marqué l’histoire et lui ont fait ne pas désespérer de l’humanité - et ses bronze de la collection Merci.
Je pars demain en Casamance
Un nom bien doux je trouve où m’attend une nature luxuriante me dit-on et où je pourrai contempler le vide à l’ombre des grands arbres, entre gigantesques fromagers et rizières verdoyantes, au bord de l’océan…
Musique
Emmanuelle m’a fait découvrir le chanteur et compositeur sénégalais
Ismaël Lo, magnifique dans «Jammu Africa»
J’avais déjà entendu cette chanson-là « Tajabone »:
Dont un commentateur dit : au Sénégal le jour «tamxaritt» plus connu le nouvel an musulman, les sénégalais fêtent cette nuit en préparant du couscous. Et après les hommes se déguisent en femmes et les femmes en hommes. Ainsi ils viennent taper aux portes pour demander des biscuits, du riz, du mil ou de l’argent tout en chantant tajabonn qui marque le jour du tamxaritt où ils annoncent que Abdou Jambar qui est un ange va descendre sur terre cette nuit. Et ce Abdou Jambar va te demander si tu as fait la prière du soir. Tout au long de cette nuit, les sénégalais chantent cette belle chanson accompagnée de weulleuy qui marque la sincérité.
A bientôt cher.e.s ami.e.s
Isabelle