Lettre 96 – Faux maîtres et vrais Gourous
Je me sens inspirée et autorisée pour parler du sujet. J’ai suivi depuis 1993 de vrais maîtres vivants qui ne se sont jamais dits des «maîtres ». Ils l’étaient pourtant, pour parler, enseigner et initier, inscrits par leurs propres maitres et professeurs dans une lignée ininterrompue de maitre à disciples depuis l’origine (Lama Guendune, Bokar Rimpoché, Namkai Norbou,Trulshik Rimpoché, Gangten Tulkou Rimpoché).
Ce sujet me vient à l’initiative d’une conversion échangée aujourd’hui avec un jeune homme qui a suivi le yoga de Bikram Choudhury, ce fameux vrai faux maître indien émigré en Californie, vrai maitre de yoga, dans le sens de la maitrise excellente d’un yoga (encore qu’un yoga gymnastique forcené à 48 degrés mais qui a été utile à des milliers de personnes) et faux gourou car absolument pas spirituel et prédateur sexuel, s’affichant lui-même comme « inimaginablement spirituel et champion du monde inégalé de yoga ». Voir l’excellent documentaire sur lui et son empire sur Netflix intitulé « Bikram : Yogi, Gourou, prédateur ». (Il court toujours le bougre et donne des séminaires partout, dans d’autres pays puisqu’il a fui les Etats-Unis où il est poursuivi).
Si ma mémoire ne me fait pas défaut j’aimerais reprendre ce que j’ai reçu des enseignements de mes maîtres de sagesse pour vérifier un vrai maître d’un faux.
La qualification d’un maître est de:
Venir d’une lignée de maîtres (la présenter, la nommer)
Avoir reconnu sa propre nature (au-delà du moi)
Avoir (l’expérience de) la réalisation de la sagesse
Avoir les qualités pédagogiques pour transmettre
La qualification d’un élève étant de :
Avoir une forte aspiration à apprendre
Avoir vérifier les qualités de son maître, l’adéquation entre ce qu’il enseigne et ce qu’il est
A partir de là, avoir une grande confiance en son maître spirituel et ses enseignements
Avoir la capacité d’appliquer les instructions reçues
Je me souviens lors d’un séminaire en Inde d’une question qui avait été posée à Bokar Rimpoché sur la dévotion. Bokar Rimpoché avait répondu en insistant sur le fait que la dévotion ne s’appuyait pas sur une simple croyance comme ça, mais qu’elle naissait d’une vérification des qualités et aptitudes du maître, de la confirmation que les pratiques enseignées donnaient bien les résultats escomptés, qu’elle était dans ce cas, comme une aube naissante dans le cœur du disciple, jusqu’à devenir un soleil pleinement rayonnant.
Ce qui avait été absolument mon cas. N’étant pas croyante dans le sens qu’il ne me venait pas à l’idée de « croire » tout ce que l’on me racontait, je m’étais mise à pratiquer passionnément parce que j’avais la prescience que ce qui était dit si intelligemment par les tibétains devant moi, était vrai (j’avais des expériences en tout genre d’autres dimensions, de différents corps, me rappelais de certaines bribes de vies antérieures et de passages dans les bardos de la mort avant ma naissance, je voyais l’irréalité du monde solide devant moi etc.) et je voulais le vérifier par moi-même. J’avais besoin d’une cartographie pour me repérer dans ces aperçus épars de dévoilement de la réalité.
L’expérience devenait connaissance directe.
Bien plus tard, je reconnaissais en Suddheer Roche un véritable maître de conscience, d’un tout autre genre et à un autre niveau. Psychothérapeute français à la base, Il avait été élève d’Osho Rajnesh ce célèbre Gourou controversé (que j’aime beaucoup pour son humour et son originalité). J’avais lu de lui de multiples enseignements retranscrits en livres (il me semble me souvenir qu’Osho n’a jamais écrit de livres mais que tous sont les retranscriptions de ses commentaires et enseignements donnés oralement). Je me rappelle que Sudheer ne s’est jamais reconnu comme maître. Il avait dit un jour: « Le maître est vu seulement du côté de l’élève ». C’était bien ça, c’est moi qui le reconnaissais en tant que maître, par la qualité formidable de ses stages et formations et les effets miraculeux de ces pratiques de tantra sur moi. Lui se reconnaissait seulement comme élève de son maitre Osho et avant lui Tilopa.
Là encore, sur Netflix il y a un reportage extraordinaire sur Osho en Oregon « Wild wild word », qui va faire peur à tous ceux qui ne connaissent rien d’autre sur Osho ou n’ont pas lu ses livres (Tantra suprême sagesse, le chant royal de Saraha, le Sutra du diamant, le chemin des nuages blancs, le livre orange etc.). J’ai trouvé le reportage fascinant, une véritable épopée invraisemblable (assez dramatique je dois dire mais tellement énivrante et palpitante que j’ai regardé tous les épisodes jusqu’à 4 heures du matin). C’est fou que ce reportage qui met quelques fois Osho en mauvaise posture (il se met en colère, les disciples trichent aux élections, s’arment de kalashnikov etc.) n’a aucunement enlevé mon admiration pour lui et l’énorme rire que je sens poindre en moi à son « contact ».
Des amis pratiquants qui ont connu de grands maitres éveillés vivants me disent : Osho n’est pas un être réalisé.
Qu’en sais-je ? Pour moi c’est oublier que la réalisation est infinie, que le chemin des maîtres est long aussi. C’est oublier les pleurs de Krishnamurti à la mort de son frère, la nature humaine des maîtres, leurs émotions, leurs rires, leurs larmes, l’éprouvante réalité du samsara auquel peut-être des fils ténus les lient encore.
Je me rappelle d’un enseignement reçu qui disait que ces terres de réalisation jusqu’à l’éveil suprême, appelées aussi Bhoumis, au nombre de 10 ou 16 selon les écoles tibétaines, permettent la stabilisation progressive de rigpa, la nature de l’esprit, chez l’élève, et que c’est à partir d’un certain degré que l’on ne peut plus revenir en arrière.
Nous en sommes loin.
Mais qui sait ? Nous en sommes peut-être très près, de cet état spontanément accompli. Il n’y a peut-être pas grand-chose à faire au fond, sinon ouvrir son cœur en grand, lâcher prise, ne plus rien savoir et accueillir l’immensité du vivant, sans distinction.
Tomber dans l’arrière-plan du monde
lucidité d’amour infini
Notre nature profonde
Boum ! Hi!
MUSIQUE
Les 21 louanges à Tara chantées par Lama Tenzin Sangpo et Ani Choying Drolma
Tara est la déesse la plus populaire du bouddhisme. Tara verte est la déesse de la compassion universelle, de l'illumination et des actes vertueux. On dit qu'elle est la mère de tous les bouddhas. Le mot Tara veut dire "libératrice". De la main droite, elle fait le moudra du don, signifiant l'accomplissement. La main gauche accomplit le moudra du refuge : son pouce et son annulaire qui se touchent symbolisent l'union des moyens habiles et de la connaissance.
Isabelle