Lettre 52 – J’ai tellement tellement tellement aimé
J’ai tellement tellement tellement aimé Marguerite DURAS.
Tellement tellement aimé Romain GARY aussi.
J’avais dans les 20 ans et je dévorais les intellectuels français de gauche entre deux polars américains. Pour leur être fidèle, je suivais leurs traces et les pistais au Café de Flore ou aux Deux Magots à Paris, où ils ne se rendaient plus depuis 30 ans d’ailleurs. Sartre et Beauvoir aussi.
Je me demande aujourd’hui pourquoi ils me reviennent avec tant d’insistance (j’ai vu néanmoins un documentaire sur Duras récemment mais je n’arrive plus à le retrouver), pourquoi je n’arrive pas à vous parler de mes grandes lectures mystiques qui seraient plus dans le ton de cette lettre, lectures qui ont duré quand même près de 20 ans, un temps fervent et flamboyant, absolu. Finalement je vous en parle quand même. Plus aucun roman ne passait la porte de mes lectures d’alors. J’étais tombée dans une immense révélation qui m’avait éblouie, anagramme d’oubliée. J’étais oubliée. Dans l’infinie variation de la Vie. Seuls les écrits d’éveil pouvaient encore me rappeler mon origine, me rappeler l’amour et la vastitude dont j’étais tissée.
Je les goutais dans une solitude pleine et la fantaisie la plus totale. Je vivais un seul présent et passais mes nuits avec Krishnamurti, Ramana Maharshi, Ramakrishna, Vivekananda, la montagne Arunachala, le Mont Mérou, Bokar Rimpoché, le Karmapa, les Mahasiddhas, Saraha, le Mahamoudra et le Dzogchen, le symbolisme du corps humain, l’anatomie de l’esprit, Stephen jourdain, Jean Klein, et j’en oublie …, seule littérature de mes nuits. Le jour, j’étais avec mes enfants et beaucoup de travail pour essayer de composer avec le monde. Tentative difficile.
Je crois que se représentent à moi DURAS et GARY parce que quelque chose de ma toute jeunesse revient comme une fulgurance, celle qui a créé les premiers mouvements de libération et d’amour sauvage en moi, l’appel de la liberté, les mouvements qui bousculaient l’ordre établi, l’anarchie de l’époque, la belle rebelle, responsable, lucide et poétique. J’étais passionnée.
Par tout. Tous les sujets qui retournaient le réel, prenaient la tangente, la digression, l’envol, la lutte, l’envers. Le surréalisme. Renversant. Détruire pour mieux reconstruire disait DURAS.
www.franceculture.fr/litterature/marguerite-duras-detruire-pour-mieux-reconstruire .
Et puis après la promesse de l’Aube titrait GARY.
DURAS, sa langue envoûtante, incandescente et ses silences, ses temps infinis bordés d’horizons troubles et dérangeants, cette intensité dans l’écriture, comme je l’ai bue et aimée.
Ces auteurs-là font partie de mon cœur, de ma douleur. Je leur suis infiniment reconnaissante. Ils m’ont construite, accompagnée, nourrie.
Ils ne m’ont pas quittée même si je les ai oubliés pendant des pans entiers de mon existence. 20 ans au moins.
C’est comme un amour qui serait parti longtemps et reviendrait.
Au fond, Il n’a jamais cessé d’être, tapi dans l’oubli.
www.franceculture.fr/emissions/series/marguerite-duras
VIDEO www.franceculture.fr/litterature/marguerite-duras-detruire-pour-mieux-reconstruire
www.franceinter.fr/culture/six-choses-que-vous-ignorez-peut-etre-sur-romain-gary
Bonne semaine à toutes et tous!
N’oubliez rien de ce qui réjouit votre âme !
Même Disney est en train de s’en rappeler (de son âme) :
L’expérience directe est le seul chemin d’éveil :
Rassasiez-vous d’amour pendant ce joli mois d’aout
et remplissez-vous de sève de joie
Isabelle